Les lauréats du prix Jude Byrne animent un webinaire inspirant sur le narcoféminisme avec l'AIVL

Plaidoyer

Femmes qui consomment des drogues

02 mai 2025


Cet article a été initialement publié sur inhsu.org.au

Les candidatures sont désormais ouvertes pour l'édition 2025 Prix Jude Byrne pour les femmes leaders émergentes, et nous avons été fiers de voir autant d'anciens récipiendaires au premier plan lors d'un puissant webinaire récent organisé par la Ligue australienne des consommateurs de drogues injectables et illicites (AIVL), axé sur le mouvement narcoféministe mondial.

Ce webinaire a réuni trois anciennes lauréates – Alla Bessenova (Kirghizistan), Jess Morales (Guatemala) et Sarah Whipple (États-Unis), ainsi que la juge Judy Chang (Royaume-Uni) – pour explorer comment les femmes et les personnes de diverses identités de genre consommatrices de drogues impulsent un changement systémique par le biais de l'activisme et du leadership féministe. Le webinaire a été animé avec brio par Emily Ebdon de l'AIVL.

Comme nous l'avons entendu lors de la discussion, le narcoféminisme n'est pas qu'une théorie : c'est un mouvement mondial vivant. Ces leaders contestent la criminalisation, revendiquent l'autonomie corporelle et se battent pour un monde où les personnes qui consomment des drogues sont traitées avec dignité, compassion et justice.

Points clés à retenir

Judy Chang, ancienne directrice exécutive de l'INPUD, juge du prix Jude Byrne Emerging Female Leader et responsable de programme chez Open Society Foundations

Judy a réfléchi aux méfaits systémiques de la prohibition et à son profond lien avec le contrôle patriarcal. S'exprimant depuis Londres, elle a exhorté les féministes du monde entier à reconnaître la lutte contre la drogue comme un enjeu féministe et à inclure les femmes consommatrices de drogues dans leur combat collectif pour leur libération.

La guerre contre la drogue est si profondément ancrée qu'elle présuppose l'ordre naturel des choses, masquant le fait qu'elle a été conçue comme un outil d'oppression sociale. Elle punit les choix des femmes : notre corps, notre travail, notre labeur. À cause de la prohibition, nous avons perdu notre liberté, nos enfants, notre dignité. Des femmes sont mortes de morts évitables, ont perdu leur liberté, leur autonomie corporelle, leur intégrité, leur famille, leurs enfants et leur dignité.

Sarah Whipple, codirectrice de l'engagement communautaire au Yuba Harm Reduction Collective (États-Unis) et lauréate du prix Jude Byrne 2024

Sarah a évoqué le lien profond entre le mouvement pour les droits des travailleuses du sexe et le narcoféminisme. Elle a exploré comment les discours moraux sont utilisés pour justifier la criminalisation des femmes et des personnes de diverses identités de genre qui consomment des drogues, et comment la reconquête du plaisir, de la capacité d'agir et du choix est essentielle à la libération. Alors que le féminisme carcéral exclut ou nuit souvent aux personnes les plus marginalisées, le narcoféminisme insiste sur l'inclusion et l'autonomie.

Le narcoféminisme renverse le scénario. Il renverse le récit. Nous ne sommes pas des victimes impuissantes, ni moralement déviantes ni dangereuses du fait de notre consommation de drogues. Nous pouvons jouir d'une autonomie corporelle et rechercher plaisir, soulagement et remèdes grâce à la consommation de drogues – et le narcoféminisme nous le restitue.

Alla Bessenova, présidente du Conseil d'experts féministes du Réseau eurasien des personnes qui consomment des drogues (ENPUD) et lauréate du prix Jude Byrne 2024

Alla a expliqué comment le narcoféminisme a émergé en Europe de l'Est et en Asie centrale, devenant une bouée de sauvetage face à des systèmes juridiques et politiques hostiles. Son leadership a contribué à créer des espaces sûrs, à former des militantes et à renforcer la solidarité entre les femmes qui résistent à la criminalisation. Malgré la peur et la répression, les femmes s'élèvent, transformant le traumatisme en pouvoir et construisant des mouvements ancrés dans la solidarité et la résistance.

« Des lois répressives nous ont privés du plaisir de consommer de la drogue. On ne se drogue pas comme on le croit ; on survit… La peur nous envahit constamment lorsque nous gardons la drogue pour nous… Ils ont essayé de nous enterrer, mais nous sommes des graines. Et les graines deviendront des forêts. »

Jessica Morales, féministe anti-prohibitionniste du Guatemala et lauréate du prix Jude Byrne 2023

Jessica a expliqué pourquoi le terme « narcoféminisme » est rejeté dans sa région et remplacé par « féminisme antiprohibitionniste », un cadre fondé sur la survie, la justice foncière et la résistance à la violence de l'État et des entreprises. Elle a appelé à l'abolition du système carcéral et a également évoqué la nécessité d'intégrer les savoirs autochtones aux mouvements de réforme du système des drogues afin d'éviter de reproduire des dynamiques de pouvoir fondées sur l'exploitation.  

« Nous devons considérer cette guerre contre la drogue comme une véritable campagne morale dont le but ultime est l’extermination et l’élimination de certaines vies et de certains corps qui ne méritent pas d’être vécus… Le terme narcoféminisme n’est pas utilisé sur nos territoires… ici, « narco » signifie mort. »

À propos du Prix Jude Byrne pour les femmes leaders émergentes

Le Prix Jude Byrne de la Leader Émergente a été créé en 2022 pour honorer Jude Byrne, une militante internationale courageuse qui a défendu les droits des personnes consommatrices de drogues avec intelligence, empathie et un courage indéfectible. Chaque année, deux femmes consommatrices de drogues sont sélectionnées pour leur leadership, leur passion et leur impact au sein de leur communauté.

Les candidatures pour le prix 2025 sont désormais ouvertes et se clôturent à 23h59 CET, le 5 mai 2025.

Ce que reçoivent les lauréats

  • Un programme de mentorat de neuf mois avec INPUD, adapté à leurs objectifs de leadership
  • Une bourse complète pour assister à l'INHSU 2025 au Cap, comprenant les vols, l'hébergement, les indemnités journalières et l'inscription
  • L'opportunité de présenter leurs travaux à la conférence de l'INHSU